C’est la dernière ligne droite avant le premier tour et force est de constater que Guéret a été le théâtre d’une campagne dense et passionnante. Favori, ou en tous les cas, premier dans la course, Eric Corréia, le président de l’agglo a concentré le feu nourri de ses adversaires.
Ça a été un des moments les plus chauds du débat diffusé la semaine dernière : Thierry Delaître (MODEM-centre) invectivant Eric Corréia (SE) tête de liste "Guéret 2020", et lui assenant trois fois coup sur coup : " vous êtes un menteur ! ". Motif de l’algarade : les finances de l’agglomération du grand Guéret qui ont souvent été au cœur des discussions et des débats de cette campagne.
Lorsqu’on écoute les prétendants à la mairie de Guéret, une critique revient : l’agglo aurait été particulièrement mal gérée, ce qui limiterait évidemment les marges de manœuvre budgétaire pour celui ou celle qui sortirait vainqueur du scrutin.
« Finances hors de contrôle, cavalerie budgétaire, ligne jaune vif de la légalité presque franchie », les mots de Thierry Delaître, tête de la liste "Un nouveau souffle pour Guéret" pour qualifier la gestion financière de l’agglomération sont plutôt durs. Dans trois vidéos que ne renieraient pas Fred et Jammy de « C’est pas Sorcier » et publiées sur le Facebook de la liste, il égratigne méchamment le président de l’agglomération.
Il y dénonce pêle-mêle : " des charges de personnel en hausse de 11%, 2 millions d’euros de dépense en plus sur la période 2013/2017, 2 voire 2,5 millions sur la période 2017/2019 ".
Plus grave, s’appuyant sur le rapport de la chambre régionale des comptes (à consulter ci-dessous), Thierry Delaître pointe le tour de passe-passe auquel se serait livrée l’agglomération. Un compte annexe zone d’activité ayant servi à financer les travaux de viabilité de terrains appartenant à la collectivité aurait indûment été réintégré au budget général. Plus de 3 millions d’euros auraient donc servi de cagnotte pour financer le train de vie de la collectivité.
Une manœuvre irrégulière, relevée par la chambre régionale des comptes qui aurait creusé un trou conséquent dans les finances de l’agglo et qui l’aurait conduit à emprunter pour continuer à financer les affaires courantes. Financer ses dettes et son fonctionnement par un emprunt, ce que l’on appelle faire de la cavalerie budgétaire, étant strictement interdit, cela conduit Thierry Delaître à dire que la ligne jaune de la légalité n’est pas loin d’être franchie.
Même critique chez Marie-Françoise Fournier (SE) :
Il faut savoir qu’il y a un budget dans un très mauvais état. Sur la com d’agglo, il va vraiment falloir faire un audit financier et faire des choix. Si nous sommes élus nous serons obligés de faire un budget en catastrophe sur la com d’agglo puisqu’il n’est pas fait. Ce qui va nous différencier par rapport à ce qui s’est fait avant c’est une gestion très rigoureuse.
Seule la liste de Sylvie Bourdier (G) tête de liste d'union de la gauche "Guéret en commun" était restée en retrait sur cette question. Un silence pas si étonnant. Michel Vergnier, maire sortant et ancien président de Grand Guéret, 4e sur la liste de Sylvie Bourdier « ne (voulant) pas se désolidariser des décisions qui ont été prises et que j’ai toutes votées ». Mais lors du débat, elle n’a pas été la dernière à pointer des comptes mal tenus.
La réponse d'Eric Corréia, l'homme à abattre ?
A la question de savoir pourquoi l’agglo s’est autant endettée, Eric Corréia répond :
Avez-vous vu des projets pharaoniques menés pendant ce mandat ? Nous n’avons fait que la Quincaillerie numérique qui était par ailleurs largement co-financée. Ce qui a augmenté drastiquement les dépenses ; ce sont les nouvelles compétences que l’agglo a dû assumer.
Des compétences comme la petite enfance par exemple. Pour Eric Corréia, l’agglo est soumise au même effet ciseau que le département. Les dépenses obligatoires augmentent bien plus vite que les ressources et les dotations. Quand la com-com est devenue agglo, il y a eu 800 000 euros de dotation en plus. Mais la nouvelle structure a dû assumer l’urbanisme, la politique de la ville, le cœur de ville, et maintenant l’eau et l’assainissement même si ce n’est pas encore très clair.
Depuis 2004, l’agglomération n’a pas eu de comptabilité de stock. Nous nous en sommes rendu compte avec le vice-président aux finances en 2016. C’est moi qui ai demandé un contrôle à la chambre régionale des comptes pour régulariser
Information vérifiée auprès de la Chambre par nos confrères de la Montagne.
Eric Corréia ajoute :
Nous régularisons la situation depuis. Mais je rappelle que nous avons 80 hectares de terrains de côté soit à peu près 12 millions d’actifs immobilisés. En m’accusant de mauvaise gestion, les autres candidats ne réalisent pas qu’ils accusent tout autant les autres maires de l’agglo qui ont tous voté les décisions. Et la situation dans laquelle nous nous trouvons est tout à fait légale, sinon la chambre régionale des comptes aurait transféré notre dossier à un procureur
La situation actuelle exacte de la collectivité ne sera finalement connue qu’au mois d’avril puisqu’Eric Corréia n’a souhaité ni faire un débat d’orientation budgétaire, ni voter le budget avant l’élection.
Le contexte de l’élection
Même s’il ne l’avouait pas ouvertement, le président de l’agglo brigue la mairie depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Une ambition connue de tous. Personne à Guéret n’a vraiment été surpris qu’il se lance le premier dans cette campagne avec la constitution de l’association Guéret 2020 en février 2019 et un certain nombre de réunions publiques organisées dès l’été.
Parti premier, il est donc la cible privilégiée des attaques. Une cible d’autant plus voyante que le président de l’agglo est du genre plutôt remuant et a multiplié les coups médiatiques : sur le cannabis thérapeutique évidemment mais aussi avec le festival Check in party à Saint Laurent.
Il doit aussi faire face aux accusations d’avoir fragmenté le camp de la majorité sortante à la mairie. A la Souterraine, la succession entre Jean-François Muguay et son dauphin Etienne Lejeune se passe plutôt bien. Ce n’est absolument pas le cas à Guéret où Eric Corréia, son ex-dauphin, et Michel Vergnier, maire sortant, se détestent cordialement depuis plusieurs années.
Résultat : la majorité sortante donne naissance à deux listes concurrentes. D’un côté la liste Corréia soutenue par EELV qui comporte des adjoints et des conseillers municipaux sortants au premier rang desquels Delphine Bonnin adjointe à l’éducation et à la petite enfance et Jean-Bernard Damiens adjoint à l’urbanisme et au développement durable. De l’autre côté, la liste d’union de la gauche (EELV excepté) menée par Sylvie Bourdier et sur laquelle Michel Vergnier figure en 4e position.
C’est logiquement un des principaux enjeux de cette élection.